Constitution de la Tunisie 2014

Au Nom de Dieu Clément et Miséricordieux

 

Préambule.

Nous, représentants du peuple tunisien, membres de l'Assemblée nationale constituante ;

Par fierté pour la lutte de notre peuple afin d'accéder à l'indépendance et à la construction de l'État et, par la suite, pour se débarrasser de la tyrannie, répondant ainsi à sa libre volonté et concrétisant les objectifs de la révolution, de la liberté et de la dignité, révolution du 17 Décembre 2010 – 14 Janvier 2011 ; par fidélité au sang de nos valeureux martyrs et aux sacrifices des Tunisiens et Tunisiennes au fil des générations ; pour une rupture définitive avec l'injustice, la corruption et la tyrannie ;

Exprimant l'attachement de notre peuple aux enseignements de l'Islam et à ses finalités caractérisées par l'ouverture et la modération, des nobles valeurs humaines et des hauts principes des droits de l'Homme universels ; inspirés par notre héritage culturel accumulé tout le long de notre histoire, par notre mouvement réformiste éclairé fondé sur les éléments de notre identité arabo-musulmane et sur les acquis universels de la civilisation humaine, et par attachement aux acquis nationaux que notre peuple a pu réaliser ;

OEuvrant pour un régime républicain démocratique et participatif dans le cadre d'un État civil et gouverné par le droit, et dans lequel la souveraineté appartient au peuple qui l'exerce sur la base de l'alternance pacifique à travers des élections libres, et du principe de la séparation et de l'équilibre des pouvoirs ; dans lequel le droit de s'organiser, fondé sur le principe du pluralisme, la neutralité administrative, la bonne gouvernance et des élections libres constituent l'assise de la concurrence politique ; dans lequel l'État garantit la suprématie de la loi, le respect des libertés et des droits de l'Homme, l'indépendance de la justice, l'équité et l'égalité en droits et devoirs entre tous les citoyens et toutes les citoyennes, et entre toutes les catégories sociales et les régions ;

Considérant la place qu'occupe l'être humain en tant qu'être digne ; afin de consolider notre appartenance à la culture et à la civilisation de la nation arabe et musulmane ; oeuvrant à l'unité nationale fondée sur la citoyenneté, la fraternité, la solidarité et la justice sociale, à soutenir l'Union maghrébine, qui constitue une étape vers l'union arabe et vers la complémentarité entre les peuples musulmans et les peuples africains et la coopération avec les peuples du monde ; pour le triomphe des opprimés en tous lieux, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, les mouvements de libération justes, et en premier lieu le mouvement de libération de la Palestine, et afin de lutter contre toutes les formes de discrimination et de racisme ;

Conscients de la nécessité de participer à la sécurité du climat et à la sauvegarde d'un environnement sain, de façon à garantir la pérennité de nos ressources naturelles et la continuité d'une existence paisible pour les générations futures, et afin de réaliser la volonté du peuple d'être l'acteur de son histoire, convaincu que la science, le travail et la création sont des valeurs humaines nobles, et d'être un peuple pionnier aspirant à apporter une contribution supplémentaire à la civilisation sur la base de l'indépendance des décisions nationales, de la paix mondiale et de la solidarité humaine ;

Au nom du Peuple, nous édictons, par la grâce de Dieu, la présente Constitution.

 

Titre premier.- Des principes généraux.

 

Article premier.

La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain, l'Islam est sa religion, l'arabe sa langue et la République son régime.

Il n'est pas permis d'amender cet article.

 

Article  2.

La Tunisie est un État à caractère civil, fondé sur la citoyenneté, la volonté du peuple et la primauté du droit.

Il n'est pas permis d'amender cet article.

 

Article 3.

Le peuple est le détenteur de la souveraineté, source des pouvoirs qu'il exerce à travers ses représentants élus ou par voie de référendum.

 

Article  4.

Le drapeau de la République tunisienne est rouge ; il comporte en son milieu un cercle blanc où figure une étoile rouge à cinq branches entourée d'un croissant rouge conformément à la loi.

L'hymne national de la République tunisienne est » Humat Al-Hima » (Défenseurs de la patrie) conformément à la loi.

La devise de la République tunisienne est : Liberté, Dignité, Justice, Ordre.

 

Article 5.

La République Tunisienne fait partie du Maghreb arabe, elle oeuvre à la réalisation de son union et prend toutes les mesures pour la concrétiser.

 

Article 6.

L'État est le gardien de la religion. Il garantit la liberté de croyance et de conscience et le libre exercice des cultes ; il est le garant de la neutralité des mosquées et lieux de culte par rapport à toute instrumentalisation partisane.

L'État s'engage à diffuser les valeurs de modération et de tolérance, à protéger le sacré et à interdire d'y porter atteinte. Il s'engage à interdire les campagnes d'accusation d'apostasie [Takfir] et l'incitation à la haine et à la violence. Il s'engage également à s'y opposer.

 

Article 7.

La famille est la cellule essentielle de la société et l'État doit en assurer la protection.

 

Article 8.

La jeunesse est une force vive dans la construction de la nation.

L'État veille à fournir les conditions permettant aux jeunes de développer leurs capacités, d'épanouir leur énergie, d'assumer leurs responsabilités et d'élargir leur participation au développement social, économique, culturel et politique.

 

Article 9.

Tous les citoyens ont le devoir sacré de préserver l'unité de la patrie, et de défendre l'intégrité de son territoire.

Le service national est obligatoire pour tous les citoyens selon les dispositions et les conditions prévues par la loi.

 

Article 10.

Le paiement de l'impôt et la contribution aux charges publiques constituent un devoir, dans le cadre d'un système juste et équitable.

L'État met en place les mécanismes propres à garantir le recouvrement de l'impôt et la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales.

L'État veille à la bonne gestion des deniers publics et prend les mesures nécessaires pour les dépenser selon les priorités de l'économie nationale ; il lutte contre la corruption et contre tout ce qui porte atteinte à la souveraineté nationale.

 

Article 11.

Il incombe à tous ceux qui assument les fonctions de président de la République, de chef ou de membre du Gouvernement, qui siègent à l'Assemblée des représentants du peuple ou aux autorités constitutionnelles indépendantes, ou qui exercent toute autre haute fonction, de déclarer leurs biens conformément aux dispositions de la loi.

 

Article 12.

L'État a pour objectif de réaliser la justice sociale, le développement durable, l'équilibre entre les régions et l'exploitation rationnelle des richesses nationales, en se référant aux indicateurs de développement et en se basant sur le principe de discrimination positive ; l'État oeuvre également à l'exploitation rationnelle des richesses nationales.

 

Article 13.

Les ressources naturelles sont la propriété du peuple tunisien. La souveraineté de l'État sur ces ressources est exercée en son nom.

Les contrats d'exploitation relatifs à ses ressources sont soumis à la commission spécialisée au sein de l'Assemblée des représentants du peuple. Les conventions ratifiées au sujet de ces ressources sont soumises à l'Assemblée pour approbation.

 

Article 14.

L'État s'engage à soutenir la décentralisation et à l'appliquer à tout le territoire national dans le respect de l'unité de l'État.

 

Article 15.

L'administration publique est au service du citoyen et de l'intérêt général. Son organisation et son fonctionnement sont soumis aux principes de neutralité, d'égalité et de continuité du service public, conformément aux règles de transparence, d'intégrité, d'efficacité et de responsabilité.

 

Article 16.

L'État garantit la neutralité des institutions éducatives par rapport à toute instrumentalisation partisane.

 

Article 17.

L'État exerce le monopole de la création des forces armées, des forces de sécurité intérieure, conformément à la loi et au service de l'intérêt général. 

Article 18.

L'armée nationale est une force militaire républicaine armée, basée sur la discipline, composée et structurellement organisée conformément à la loi, chargée de défendre la nation, son indépendance et l'intégrité de son territoire. Elle est tenue à une neutralité absolue. L'armée nationale appuie les autorités civiles dans les conditions définies par la loi.

 

Article 19.

Les forces de sécurité nationale sont des forces républicaines chargées de préserver la sécurité et l'ordre public, de veiller à la sécurité et à la protection des individus, des institutions et des biens, et à l'application de la loi dans les limites du respect des libertés, en toute neutralité.

 

Article 20.

Les traités approuvés par l'Assemblée des représentants du peuple et ratifiés ont une autorité supra-législative et infra-constitutionnelle.

 

Titre II.- Des droits et des libertés.

 

Article 21.

Les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans aucune discrimination.

L'État garantit aux citoyens les libertés et les droits individuels et collectifs. Il leur assure les conditions d'une vie digne.

Article 22.

Le droit à la vie est sacré, il ne peut lui être porté atteinte que dans des cas extrêmes fixés par la loi.

 

Article 23.

L'État protège la dignité de la personne et son intégrité physique, et il interdit la torture morale et physique. Le crime de torture est imprescriptible.

 

Article 24.

L'État protège la vie privée, l'inviolabilité du domicile et la confidentialité des correspondances, des communications et des données personnelles.

Tout citoyen a le droit de choisir son lieu de résidence, de circuler librement à l'intérieur du pays, ainsi que le droit de le quitter.

 

Article 25.

Il est interdit de déchoir de sa nationalité tout citoyen tunisien, de l'exiler, de l'extrader ou de l'empêcher de retourner dans son pays.

 

Article 26.

Le droit d'asile politique est garanti conformément aux dispositions de la loi ; il est interdit d'extrader les personnes qui bénéficient de l'asile politique.

 

Article 27.

Tout prévenu est présumé innocent jusqu'à l'établissement de sa culpabilité dans le cadre d'un procès équitable, assurant toutes les garanties nécessaires à sa défense durant les phases de la poursuite et du procès.

 

Article 28.

La peine est personnelle et ne peut être prononcée qu'en vertu d'un texte de loi antérieur, sauf en cas de texte plus favorable au prévenu.

 

Article 29.

Nul ne peut être arrêté ou mis en détention, sauf en cas de flagrant délit ou sur la base d'une décision judiciaire. Le détenu est immédiatement informé de ses droits et de la charge retenue contre lui. Il a le droit de se faire représenter par un avocat. La durée de la garde à vue et de la détention est définie par la loi.

 

Article 30.

Tout détenu a droit à un traitement humain qui préserve sa dignité. Lors de l'exécution des peines privatives de liberté, l'État doit considérer l'intérêt de la famille et veiller à la réhabilitation du détenu et à sa réinsertion dans la société.

 

Article 31.

Les libertés d'opinion, de pensée, d'expression, d'information et de publication sont garanties.

Ces libertés ne sauraient être soumises à un contrôle préalable.

 

Article 32.

L'État garantit le droit à l'information et le droit d'accès à l'information.

L'État veille à garantir le droit d'accès aux réseaux de communication.

 

Article 33.

Les libertés universitaires et la liberté de la recherche scientifique sont garanties.

L'État fournit les moyens nécessaires au développement de la recherche scientifique et technologique.

 

Article 34.

Les droits d'élection, de vote et de se porter candidat sont garantis, conformément aux dispositions de la loi.

L'État veille à garantir la représentation des femmes dans les assemblées élues.

 

Article 35.

La liberté de constituer des partis politiques, des syndicats et des associations est garantie.

Les partis politiques, les syndicats et les associations s'engagent dans leurs statuts et leurs activités à respecter les dispositions de la Constitution et de la loi, à la transparence financière et au rejet de la violence.

 

Article 36.

Le droit syndical est garanti, y compris le droit de grève.

Ce droit ne s'applique pas à l'armée nationale.

Le droit de grève ne s'applique pas aux forces de sécurité intérieure et de la douane.

 

Article 37.

La liberté de rassemblement et de manifestation pacifique est garantie.

 

Article 38.

Chacun a droit à la santé.

L'État garantit la prévention et les soins sanitaires à tout citoyen et fournit les moyens nécessaires pour garantir la sécurité et la qualité des services de santé.

L'État garantit la gratuité des soins pour les personnes sans soutien et à faible revenu. Il garantit le droit à une couverture sociale, conformément à la loi.

 

Article 39.

L'enseignement est obligatoire jusqu'à l'âge de seize ans.

L'État garantit le droit à un enseignement public et gratuit dans tous ses cycles et il veille à fournir les moyens nécessaires pour améliorer la qualité de l'enseignement, de l'éducation et de la formation. L'État veille aussi à enraciner l'identité arabo-musulmane et l'appartenance nationale dans les jeunes générations et à ancrer, à soutenir et à généraliser l'utilisation de la langue arabe, ainsi que l'ouverture sur les langues étrangères et les civilisations humaines et la diffusion de la culture des droits de l'Homme.

 

Article 40.

Le travail est un droit pour chaque citoyen et citoyenne. L'État prend les mesures nécessaires à sa garantie sur la base de la compétence et de l'équité. Tout citoyen et toute citoyenne ont le droit au travail dans des conditions décentes et avec un salaire équitable.

 

Article 41.

Le droit de propriété est garanti et il ne peut lui être portée atteinte, sauf dans les cas et avec les garanties prévues par la loi.

La propriété intellectuelle est garantie.

 

Article 42.

Le droit à la culture est garanti.

La liberté de création est garantie. L'État encourage la création culturelle et soutient la culture nationale dans son enracinement, sa diversité et son renouveau, de manière que soient consacrés les valeurs de la tolérance et le rejet de la violence, l'ouverture sur les différentes cultures et le dialogue entre les civilisations.

L'État protège le patrimoine culturel et garantit le droit des générations futures.

 

Article 43.

L'État soutient le sport et oeuvre en vue de fournir les moyens nécessaires à l'exercice des activités sportives et de loisir.

 

Article 44.

Le droit à l'eau est garanti.

La préservation de l'eau et son utilisation rationnelle sont un devoir pour l'État et la société.

 

Article 45.

L'État garantit le droit à un environnement sain et équilibré et contribue à la sécurité du climat. L'État fournit les moyens nécessaires à l'élimination de la pollution environnementale.

 

Article 46.

L'État s'engage à protéger les droits acquis de la femme, les soutient et oeuvre à les améliorer.

L'État garantit l'égalité des chances entre la femme et l'homme pour assumer les différentes responsabilités et dans tous les domaines.

L'État oeuvre à réaliser la parité entre la femme et l'homme dans les conseils élus.

L'État prend les mesures nécessaires afin d'éradiquer la violence contre les femmes.

 

Article 47.

Les droits à la dignité, à la santé, aux soins, à l'éducation et à l'enseignement sont garantis à l'enfant vis-à-vis de ses parents et de l'État.

L'État doit garantir toute forme de protection à tous les enfants, sans discrimination et en fonction de leur intérêt supérieur.

 

Article 48.

L'État protège les personnes handicapées de toute discrimination.

Tout citoyen handicapé a le droit de bénéficier, selon la nature de son handicap, de toutes les mesures qui lui garantissent une pleine intégration dans la société. L'État doit prendre toutes les mesures nécessaires à cet effet.

 

Article 49.

La loi fixe les restrictions relatives à l'exercice des droits et des libertés qui sont garantis par la présente Constitution, ainsi que les conditions de leur exercice sans porter atteinte à leur essence. Ces moyens de contrôle ne sont mis en place qu'en cas de nécessité justifiable dans un État civil et démocratique et pour protéger les droits des tiers, ou pour des raisons de sécurité publique, de défense nationale, de santé publique ou de morale publique, et avec le respect de la proportionnalité et de la nécessité des restrictions à l'objectif recherché. Les instances judiciaires veillent à la protection des droits et des libertés contre toute violation.

Aucun amendement ne peut porter atteinte aux droits de l'Homme et aux libertés garantis par la présente Constitution.

 

Titre III.- Du pouvoir législatif.

 

Article 50.

Le peuple exerce le pouvoir législatif par ses représentants à l'Assemblée des représentants du peuple ou par voie de référendum.

 

Article 51.

Le siège de l'Assemblée des représentants du peuple est à Tunis. Toutefois, elle peut, dans des circonstances exceptionnelles, tenir ses séances dans tout autre lieu du territoire de la République.

 

Article 52.

L'Assemblée des représentants du peuple jouit de l'autonomie administrative et financière dans le cadre du budget de l'État.

L'Assemblée des représentants du peuple fixe son règlement intérieur et l'adopte à la majorité absolue de ses membres.

L'État met à la disposition de l'Assemblée des représentants du peuple les ressources humaines et matérielles nécessaires à chaque député pour un bon exercice de ses fonctions.

 

Article 53.

Est éligible à l'Assemblée des représentants du peuple, tout électeur de nationalité tunisienne depuis dix ans au moins et âgé d'au moins vingt-trois ans accomplis le jour de la présentation de sa candidature et qui ne se trouve dans aucun des cas d'interdiction prévus par la loi.

 

Article 54.

Est électeur, tout citoyen de nationalité tunisienne âgé de dix-huit ans accomplis et remplissant les conditions fixées par la loi électorale.

 

Article 55.

Les membres de l'Assemblée des représentants du peuple sont élus au suffrage universel, libre, direct et secret, équitable et transparent, selon les modalités et les conditions prévues par la loi électorale.

La loi électorale garantit le droit de vote et la représentation des Tunisiens résidant à l'étranger au sein de l'Assemblée des représentants du peuple.

 

Article 56.

L'Assemblée des représentants du peuple est élue pour un mandat de cinq ans, au cours des soixante derniers jours du mandat parlementaire.

En cas d'impossibilité de procéder à des élections pour cause de péril imminent, le mandat de l'Assemblée est prorogé par une loi.

 

Article 57.

L'Assemblée des représentants du peuple se réunit chaque année en session ordinaire ; celle-ci débute au cours du mois d'octobre et se termine au cours du mois de juillet. La première session de la législature de l'Assemblée des représentants du peuple doit débuter dans les quinze jours qui suivent la proclamation des résultats définitifs des élections, à la demande du président de l'Assemblée sortante.

Dans le cas où le début de la première session de la législature de l'Assemblée des représentants du peuple coïncide avec ses congés, une session exceptionnelle est ouverte, qui se poursuit jusqu'au vote de confiance au Gouvernement.

Pendant ses vacances, l'Assemblée des représentants du peuple se réunit en session extraordinaire à la demande du président de la République ou du chef du Gouvernement, ou à la demande du tiers de ses membres, pour examiner un ordre du jour déterminé.

 

Article 58.

Lors de la prise de ses fonctions, chaque membre de l'Assemblée des représentants du peuple prête le serment suivant :

» Je jure par Dieu Tout-Puissant de servir la nation loyalement, de respecter la Constitution et d'être d'une loyauté sans faille envers la Tunisie «.

Article 59.

L'Assemblée des représentants du peuple élit un président parmi ses membres, lors de sa première session.

L'Assemblée des représentants du peuple crée des commissions permanentes et des commissions spéciales, dans lesquelles l'attribution des responsabilités se fait sur la base de la représentation proportionnelle.

L'Assemblée des représentants du peuple peut créer des commissions d'enquête, que toutes les autorités doivent assister dans l'exercice de leurs fonctions

 

Article 60.

L'opposition est une composante essentielle de l'Assemblée des représentants du peuple. Elle a des droits lui permettant d'accomplir ses missions dans le cadre du travail parlementaire et lui garantissant une représentation adéquate et effective dans toutes les instances de l'Assemblée, ainsi que dans ses activités internes et externes. Parmi ces droits, il lui est obligatoirement accordé la présidence de la commission des finances et le poste de rapporteur au sein de la commission des relations extérieures. Elle dispose également du droit de former et de présider tous les ans une commission d'enquête. Elle a, entre autres, le devoir de participer activement et de façon constructive au travail parlementaire.

 

Article 61.

Le vote au sein de l'Assemblée des représentants du peuple est personnel et ne peut être délégué.

 

Article 62.

L'initiative des lois est exercée par des propositions de loi émanant de dix députés au moins ou par des projets de loi émanant du président de la République ou du chef du Gouvernement.

Le chef du Gouvernement est compétent pour présenter les projets de loi d‘approbation des traités et les projets de loi de finances.

Les projets de loi sont examinés en priorité.

 

Article 63.

Les propositions de loi ou les propositions d'amendement présentées par les députés ne sont pas recevables si leur adoption porte atteinte à l'équilibre financier de l'État tel qu'établi par les lois de finances.

 

Article 64.

L'Assemblée des représentants du peuple adopte à la majorité absolue de ses membres les projets de loi organique et à la majorité des membres présents les projets de loi ordinaire, cette majorité ne devant pas être inférieure au tiers des membres de l'Assemblée.

Le projet de loi organique ne peut être soumis à la délibération de l'Assemblée des représentants du peuple qu'après l'écoulement d'un délai de quinze jours suivant son transfert à la commission compétente.

 

Article 65.

Sont adoptés sous forme de lois ordinaires, les textes relatifs à :
– la création des catégories d'établissements et d'entreprises publics et les procédures organisant leur cession ;
– la nationalité ;
– les obligations civiles et commerciales ;
– les procédures devant les différentes catégories de tribunaux ;
– la détermination des crimes et délits et des peines qui leur sont applicables, de même que les infractions lorsqu'elles sont sanctionnées par une peine privative de liberté ;
– l'amnistie générale ;
– la délimitation de l'assiette de l'impôt, de ses taux et de ses procédures de recouvrement ;
– le régime d'émission de la monnaie ;
– les emprunts et les engagements financiers de l'État ;
– la détermination des hautes fonctions ;
– la déclaration du patrimoine ;
– les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires ;
– le régime de la ratification des traités ;
– les lois de finances, la clôture du budget et la ratification des plans de développement ;
– les principes fondamentaux du régime de la propriété, des droits réels, de l'enseignement, de la recherche scientifique, de la culture, de la santé publique, de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme, de l'énergie, du droit du travail et de la sécurité sociale.

Sont adoptés sous forme de lois organiques, les textes relatifs à :
– la ratification des traités ;
– l'organisation de la justice et de la magistrature ;
– l'organisation de l'information, de la presse et de l'édition ;
– l'organisation des partis, des syndicats, des associations, des organisations et ordres professionnels et leur financement ;
– l'organisation de l'armée nationale ;
– l'organisation des forces de sécurité intérieure et de la douane ;
– la loi électorale ;
– la prorogation de la législature conformément aux dispositions de l'article 56 ;
– la prorogation du mandat présidentiel conformément aux dispositions de l'article 75 ;
– les libertés et les droits de l'homme ;
– le statut personnel ;
– les devoirs fondamentaux de la citoyenneté ;
– le pouvoir local ;
– l'organisation des autorités constitutionnelles indépendantes ;
– la loi organique du budget.

Toutes les matières qui ne relèvent pas du domaine de la loi sont du domaine du pouvoir réglementaire général.

 

Article 66.

La loi autorise les ressources et les dépenses de l'État conformément aux dispositions prévues par la loi organique du budget.

L'Assemblée des représentants du peuple adopte les projets de loi de finances et la clôture du budget conformément aux dispositions prévues par la loi organique du budget.

Le projet de loi de finances est présenté à l'Assemblée au plus tard le 15 octobre et adopté au plus tard le 10 décembre.

Le président de la République peut renvoyer le projet à l'Assemblée pour une deuxième lecture, dans les deux jours qui suivent l'adoption de la loi. Si le projet est renvoyé, l'Assemblée se réunit pour un deuxième débat dans les trois jours suivant ce renvoi.

Dans les trois jours qui suivent l'adoption de la loi par l'Assemblée en deuxième lecture, après le renvoi ou après le dépassement du délai prévu pour procéder au renvoi, les parties mentionnées au premier tiret de l'article 120 peuvent intenter un recours pour inconstitutionnalité des dispositions de la loi de finances, devant la Cour constitutionnelle. Celle-ci statue dans un délai ne dépassant pas cinq jours à compter de la date du recours. 

Si la Cour constitutionnelle déclare l'inconstitutionnalité, elle transmet sa décision au président de la République, qui la renvoie à son tour au président de l'Assemblée des représentants du peuple, dans un délai ne dépassant pas deux jours à compter de la date de la décision rendue par la Cour. L'Assemblée adopte le projet dans les trois jours suivants, en tenant compte la décision de la Cour.

Si la Cour constitutionnelle tranche en faveur de la constitutionnalité du projet ou si l'Assemblée adopte le projet en seconde lecture après le recours ou en cas de dépassement des délais des recours pour inconstitutionnalité, le président de la République promulgue le projet de loi de finances dans un délai de deux jours. Dans tous les cas, la promulgation se fait au plus tard le 31 décembre.

Si le projet de loi de finances n'a pas été adopté le 31 décembre, il peut être exécuté, en ce qui concerne les dépenses, par tranches trimestrielles renouvelables par décret présidentiel. Les recettes, quant à elles, sont perçues conformément aux dispositions des lois en vigueur.

 

Article 67.

Les traités commerciaux et ceux relatifs à l'organisation internationale ou aux frontières de l'État, les traités portant engagement financier de l'État ou concernant le statut des personnes, ou portant modification des dispositions à caractère législatif, sont soumis à l'approbation de l'Assemblée des représentants du peuple.

Les traités n'entrent en vigueur qu'après ratification.

 

Article 68.

Un membre de l'Assemblée des représentants du peuple ne peut, pendant son mandat, être poursuivi sur le plan civil ou pénal, ni arrêté ou jugé en raison d'opinions ou de propositions formulées ou d'actes effectués en relation avec ses fonctions parlementaires.

 

Article 69.

Si un député invoque l'immunité pénale par écrit, il ne peut être poursuivi ou arrêté pour crime ou délit, pendant son mandat, tant que l'immunité qui le couvre n'a pas été levée.

En cas de flagrant délit, il peut être procédé à son arrestation. Le président de l'Assemblée doit en être immédiatement informé et il est mis fin à la détention si le bureau de l'Assemblée le requiert.

 

Article 70.

En cas de dissolution de l'Assemblée des représentants du peuple, le président de la République peut émettre des décrets lois, avec l'accord du chef du Gouvernement. Ces décrets-lois seront soumis à l'approbation de l'Assemblée lors de la session ordinaire qui suit.

L'Assemblée des représentants du peuple peut, à la majorité des trois cinquièmes de ses membres, en vertu d'une loi et pour un motif déterminé, déléguer au chef du Gouvernement, pour une durée déterminée qui ne dépasse pas les deux mois, le pouvoir de prendre des décrets-lois dans le domaine de la loi. Ces décrets-lois  sont soumis à l'approbation de l'Assemblée à la fin de la période en question.

Le régime électoral est excepté du domaine des décrets-lois.

 

Titre IV.- Du pouvoir exécutif.

 

Article 71.

Le pouvoir exécutif est exercé par le président de la République et par un Gouvernement présidé par un chef du gouvernement [premier ministre].

 

Section première.- Du président de la République.

 

Article 72.

Le président de la République est le chef de l'État, symbole de son unité. Il garantit son indépendance et sa continuité et il veille au respect de la Constitution.

 

Article 73.

Le siège officiel de la présidence de la République est fixé à Tunis. Toutefois, dans des circonstances exceptionnelles, il peut être transféré provisoirement en tout autre lieu du territoire de la République.

 

Article 74.

La candidature à la présidence de la République est un droit pour toute électrice et pour tout électeur jouissant de la nationalité tunisienne par la naissance, et étant de confession musulmane.

Le jour du dépôt de sa candidature, le candidat doit être âgé de 35 ans au minimum. S'il est titulaire d'une autre nationalité que la nationalité tunisienne, il doit présenter dans le dossier de candidature un engagement d'abandon de l'autre nationalité à l'annonce de son élection en tant que président de la République.

Le candidat doit être parrainé par un certain nombre de membres de l'Assemblée des représentants du peuple ou de présidents des conseils des collectivités locales élus ou d'électeurs inscrits, conformément à la loi électorale.

 

Article 75.

Le président de la République est élu pour un mandat de cinq ans au cours des soixante derniers jours du mandat présidentiel, au suffrage universel, libre, direct, secret, équitable et transparent et à la majorité absolue des voix exprimées.

Si aucun des candidats n'obtient la majorité absolue au premier tour du scrutin, il est procédé à un second tour durant les deux semaines suivant l'annonce des résultats définitifs du premier tour. Seuls se présentent au second tour les deux candidats ayant obtenu le plus grand nombre de voix au premier tour.

En cas de décès de l'un des candidats avant le premier tour, ou de l'un des deux candidats avant le deuxième tour du scrutin, il est procédé à un nouvel appel à candidatures ; une nouvelle date pour les élections est fixée dans un délai ne dépassant pas 45 jours. Les retraits de candidatures du premier ou du deuxième tour ne sont pas pris en compte.

En cas d'impossibilité de procéder aux élections en raison d'un danger imminent, le mandat présidentiel est prorogé par une loi.

Nul ne peut occuper la présidence de la République pendant plus de deux mandats entiers, successifs ou séparés. En cas de démission, le mandat en cours est considéré comme un mandat entier.

Aucun amendement ne peut augmenter en nombre ou en durée les mandats présidentiels.

 

Article 76.

Le président de la République élu prête devant l'Assemblée des représentants du peuple le serment ci-après :

» Je jure par Dieu Tout-puissant de sauvegarder l'indépendance de la patrie et l'intégrité de son territoire, de respecter la Constitution du pays et sa législation, de veiller sur ses intérêts et de lui être loyal «.

Le président de la République ne peut cumuler ses fonctions avec aucune responsabilité partisane.

 

Article 77.

Le président de la République représente l'État. Il détermine les politiques générales dans les domaines de la défense, des relations étrangères et de la sécurité nationale relative à la protection de l'État et du territoire national contre toute menace intérieure ou extérieure, après consultation du chef du Gouvernement.

Ses attributions sont :
– la dissolution de l'Assemblée des représentants du peuple dans les cas énoncés par la Constitution ; l'Assemblée ne peut être dissoute au cours des six mois suivant l'obtention de la confiance de l'Assemblée par le premier gouvernement après les élections législatives, ou durant les six derniers mois du mandat présidentiel ou de la législature ;
– la présidence du Conseil de la sécurité nationale auquel il convoque le chef du Gouvernement et le président de l'Assemblée des représentants du peuple ;
– le haut commandement des forces armées ;
– la déclaration de guerre et la conclusion de la paix, après approbation de l'Assemblée des représentants du peuple, à la majorité de trois cinquièmes de ses membres ; l'envoi des troupes à l'étranger en accord avec le président de l'Assemblée des représentants du peuple et le chef du Gouvernement ; l'Assemblée doit se réunir pour délibérer sur la question dans un délai de soixante jours à compter de l'envoi de ces forces ;
– prendre les mesures nécessaires aux circonstances exceptionnelles et les rendre publiques conformément à l'article 80 ;
– ratifier les traités et ordonner leur publication ;
– décerner des décorations ;
– exercer le droit de grâce.

 

Article 78.

Le président de la République, par voie de décret présidentiel, a pour attributions  :
– la nomination de Mufti de la République tunisienne et mettre fin à ses fonctions ;
– la nomination et la révocation au sein de la haute fonction de la présidence de la République et des institutions qui en dépendent ; ces hautes fonctions sont déterminées par la loi ;
– la nomination et la révocation dans les hautes fonctions militaires, diplomatiques et celles relatives à la sécurité nationale après consultation du chef du Gouvernement ; ces hautes fonctions sont fixées par la loi ;
– la nomination du gouverneur de la Banque centrale sur proposition du chef du Gouvernement, après approbation de la majorité absolue des membres de l'Assemblée des représentants du peuple ; il est mis fin à ses fonctions de la même manière ou à la demande d'un tiers des députés et avec l'approbation de la majorité absolue des membres de l'Assemblée.

 

Article 79.

Le président de la République peut s'adresser à l'Assemblée des représentants du peuple.

 

Article 80.

En cas de péril imminent menaçant la Nation ou la sécurité ou l'indépendance du pays et entravant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, le président de la République peut prendre les mesures requises par ces circonstances exceptionnelles après consultation du chef du Gouvernement, du président de l'Assemblée des représentants du peuple et après avoir informé le président de la Cour constitutionnelle. Il adresse à ce sujet un message au peuple.

Ces mesures doivent avoir pour objectif de garantir le retour dans les plus brefs délais à un fonctionnement régulier des pouvoirs publics. L'Assemblée des représentants du peuple est considérée, durant cette période, en état de réunion permanente. Dans ce cas, le président de la République ne peut dissoudre l'Assemblée des représentants du peuple et il ne peut être présenté de motion de censure à l'encontre du Gouvernement.

A tout moment, trente jours après l'entrée en vigueur de ces mesures, et à la demande du président de l'Assemblée des représentants du peuple ou de trente membres de ladite Assemblée, la Cour constitutionnelle est saisie en vue de vérifier si la situation exceptionnelle persiste. La décision de la Cour est prononcée publiquement dans un délai ne dépassant pas quinze jours.

Ces mesures cessent d'avoir effet dès que prennent fin les circonstances qui les ont engendrées. Le président de la République adresse un message au peuple à ce sujet.

 

Article 81.

Le président de la République promulgue les lois et ordonne leur publication au Journal officiel de la République tunisienne dans un délai ne dépassant pas les 4 jours à compter de :
1. L'expiration des délais de recours pour inconstitutionnalité et de renvoi sans qu'aucun des deux n'ait été fait ;
2. L'expiration du délai de renvoi sans qu'il ait été exercé après l'émission d'une décision de constitutionnalité ou dans le cas de la transmission obligatoire du projet de loi au président de la République, conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 121 ; 
3. L'expiration du délai de recours pour inconstitutionnalité d'un projet de loi renvoyé par le président de la République et adopté par l'Assemblée dans une version amendée ;
4. La seconde adoption d'un projet de loi par l'Assemblée, sans amendement, après renvoi par le président, et sans qu'il ait contesté sa constitutionnalité après la première adoption, ou après l'émission d'une décision de constitutionnalité, ou dans le cas de la transmission obligatoire du projet de loi au président de la République conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 121 ;
5. L'émission d'une décision de constitutionnalité par la Cour, ou dans le cas de la transmission obligatoire du projet de loi au président de la République conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 121, si le projet a précédemment été renvoyé par le président de la République et adopté par l'Assemblée dans une version amendée.

A l'exception des projets de loi constitutionnelle, le président de la République peut, en motivant sa décision, renvoyer le projet pour une deuxième lecture, et ce dans un délai de 5 jours à compter de :
1. L'expiration du délai de recours pour inconstitutionnalité, conformément aux dispositions du premier tiret de l'article 120 ;
2. L'émission d'une décision de constitutionnalité ou dans le cas de la transmission obligatoire du projet de loi au président de la République conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 121, dans le cas d'un recours en vertu des dispositions du premier tiret de l'article 120.

L'adoption des projets de lois ordinaires se fait, après renvoi, à la majorité absolue des membres de l'Assemblée et à la majorité des trois cinquièmes de ses membres sur les projets de lois organiques.

 

Article 82.

Le président de la République peut, exceptionnellement, durant les délais de renvoi, soumettre au référendum les projets de lois portant sur l'approbation des traités internationaux, sur les droits de l'Homme et les libertés, sur le statut personnel, adoptés par l'Assemblée des représentants du peuple. Le recours au référendum est considéré comme un abandon du droit de renvoi.

Si le référendum aboutit à l'adoption du projet, le président de la République le promulgue et ordonne sa publication dans un délai ne dépassant pas dix jours à partir de l'annonce des résultats du référendum.

La loi électorale fixe les modalités de l'organisation du référendum et de l'annonce de ses résultats.

 

Article 83.

En cas d'empêchement provisoire, le président de la République peut déléguer ses pouvoirs au chef du Gouvernement pour une période n'excédant pas trente jours, renouvelable une seule fois.

Le président de la République informe le président de l'Assemblée des représentants du peuple de la délégation provisoire de ses pouvoirs.

 

Article 84.

En cas de vacance provisoire de la présidence de la République pour des raisons qui rendent la délégation des pouvoirs impossible, la Cour constitutionnelle se réunit immédiatement et constate la vacance provisoire. Le chef du Gouvernement est alors immédiatement investi des fonctions de la présidence de la République, sans que la période de vacance provisoire ne puisse dépasser soixante jours.

Si la vacance provisoire excède les soixante jours, ou en cas de présentation par le président de la République de sa démission écrite au président de la Cour constitutionnelle, de décès ou d'incapacité permanente, ou pour toute autre cause de vacance définitive, la Cour constitutionnelle se réunit immédiatement et constate la vacance définitive. Elle en informe le président de l'Assemblée des représentants du peuple qui est immédiatement investi des fonctions de président de la République de manière provisoire, pour une période allant de quarante-cinq jours au moins à quatre-vingt-dix jours au plus.

 

Article 85.

En cas de vacance définitive, le président de la République par intérim prête le serment constitutionnel devant l'Assemblée des représentants du peuple et, en cas de besoin, devant le bureau de l'Assemblée, ou devant la Cour constitutionnelle en cas de dissolution de l'Assemblée.

 

Article 86.

Le président par intérim exerce durant la vacance provisoire ou définitive les fonctions présidentielles, mais il ne peut prendre l'initiative d'une révision de la Constitution, appeler au référendum ni dissoudre l'Assemblée des représentants du peuple.

Durant la période de présidence par intérim, il est procédé à l'élection d'un nouveau président pour un mandat présidentiel complet et aucune motion de censure à l'encontre du gouvernement ne peut être présentée.

 

Article 87.

Le président de la République bénéficie de l'immunité durant la totalité de son mandat. Tous les délais de prescription et de déchéance, contre sa personne, sont suspendus. Les procédures peuvent être reprises après la fin de son mandat.

Le président de la République ne peut être poursuivi pour des actes effectués dans le cadre de l'exercice de ses fonctions.

 

Article 88.

L'Assemblée des représentants du peuple peut, à l'initiative de la majorité de ses membres, présenter une motion motivée pour mettre fin au mandat du président de la République en raison d'une violation manifeste de la Constitution. La décision doit être approuvée par les deux tiers des membres de l'Assemblée. Dans ce cas, l'affaire est renvoyée devant la Cour constitutionnelle qui statue sur la question à la majorité des deux tiers. En cas de condamnation, la décision de la Cour constitutionnelle se limite à la révocation, sans exclure d'éventuelles poursuites pénales si nécessaire. La décision de révocation prive le président de la République du droit de se porter candidat à tout autre élection.

 

Section 2.- Du Gouvernement.

 

Article 89.

Le Gouvernement se compose d'un chef du Gouvernement, de ministres et de secrétaires d'État choisis par le chef du Gouvernement. En ce qui concerne les deux ministères des affaires étrangères et de la défense, le choix est fait en concertation avec le président de la République.

Dans un délai d'une semaine après la proclamation des résultats définitifs des élections, le président de la République charge le candidat du parti politique ou de la coalition électorale ayant obtenu le plus grand nombre de sièges au sein de l'Assemblée des représentants du peuple, de former le Gouvernement, dans un délai d'un mois, renouvelable une seule fois. En cas d'égalité du nombre des sièges, la nomination s'effectue selon le nombre de voix obtenues.

Si le délai indiqué expire sans parvenir à la formation d'un Gouvernement, ou si la confiance de l'Assemblée des représentants du peuple n'est pas accordée, le président de la République engage des consultations dans un délai de dix jours avec les partis politiques, les coalitions et les groupes parlementaires, afin de désigner la personnalité jugée la plus apte pour former un Gouvernement, dans un délai maximum d'un mois.

Si, dans les quatre mois suivant la première désignation, les membres de l'Assemblée des représentants du peuple n'ont pas accordé la confiance au Gouvernement, le président de la République peut décider la dissolution de l'Assemblée des représentants du peuple et l'organisation de nouvelles élections législatives dans un délai d'au moins quarante-cinq jours et d'au plus quatre-vingt-dix jours.

Le Gouvernement fait un bref exposé de son programme devant l'Assemblée des représentants du peuple afin d'obtenir la confiance de la majorité absolue de ses membres. Dans le cas où le Gouvernement obtient la confiance de l'Assemblée, le président de la République nomme le chef et les membres du Gouvernement.

Le chef et les membres du Gouvernement prêtent devant le président de la République le serment suivant :

» Je jure par Dieu Tout-Puissant de travailler fidèlement pour le bien de la Tunisie, de respecter sa Constitution et sa législation, de veiller scrupuleusement sur ses intérêts et de la servir loyalement. «

Article 90.

Il est interdit de cumuler les fonctions de membre du Gouvernement et celles de membre de l'Assemblée des représentants du peuple. La loi électorale détermine les modalités de remplacement pour les sièges laissés vacants.

Le chef du Gouvernement et les membres de celui-ci ne peuvent exercer aucune autre activité professionnelle.

 

Article 91.

Le chef du Gouvernement détermine la politique générale de l'État, conformément aux dispositions de l'article 77, et veille à sa mise en oeuvre.

 

Article 92.

Le chef du Gouvernement est compétent en matière de :
– création, modification et suppression des ministères et des secrétariats d'État. Il détermine leurs attributions et prérogatives, après délibération en Conseil des ministres ;
– révocation d'un ou de plusieurs membres du Gouvernement ou examen de leur démission, en concertation avec le président de la République s'il s'agit du ministre des affaires étrangères ou de la défense ; 
– création, modification ou suppression des établissements publics, des entreprises publiques et des services administratifs, ainsi que fixation de leurs attributions et prérogatives, après délibération en Conseil des ministres, excepté ceux qui relèvent de la compétence de la présidence de la République et dont la création, la modification ou la suppression se fait sur proposition du président de la République ;
– nomination et révocation aux emplois civils supérieurs ; les emplois civils supérieurs sont déterminés par la loi ;

Le chef du Gouvernement informe le président de la République des décisions prises dans le cadre des compétences citées ; il dirige l'administration et conclut les traités internationaux à caractère technique.

Le Gouvernement veille à l'exécution des lois. Le chef du Gouvernement peut déléguer certaines de ses prérogatives aux ministres.

En cas d'empêchement provisoire du chef du Gouvernement, il délègue ses pouvoirs à l'un des ministres.

 

Article 93.

Le chef du gouvernement préside le Conseil des ministres.

Le Conseil des ministres se tient sur convocation du chef du gouvernement qui en fixe l'ordre du jour. Le président de la République préside obligatoirement le Conseil des ministres dans les domaines de la défense, des relations étrangères, de la sécurité nationale relative à la protection de l'État et du territoire national contre les menaces intérieures et extérieures. Il peut assister aux autres réunions du Conseil des ministres. S'il y assiste, il préside le Conseil.

Tous les projets de lois sont délibérés en Conseil des ministres.

 

Article 94.

Le chef du Gouvernement exerce le pouvoir réglementaire général ; il prend les décrets à caractère individuel qu'il signe après délibération en Conseil des ministres. Les décrets émanant du chef du Gouvernement sont appelés décrets gouvernementaux. Les décrets à caractère réglementaire sont contresignés par le ministre concerné.

Le chef du Gouvernement vise les actes à caractère réglementaire pris par les ministres.

 

Article 95.

Le Gouvernement est responsable devant l'Assemblée des représentants du peuple.

 

Article 96.

Tout membre de l'Assemblée des représentants du peuple peut adresser au Gouvernement des questions écrites ou orales conformément au règlement intérieur de l'Assemblée.

 

Article 97.

Une motion de censure peut être votée à l'encontre du Gouvernement, suite à une demande motivée présentée au président de l'Assemblée des représentants du peuple par le tiers de ses membres au moins. La motion de censure ne peut être votée qu'à l'expiration d'un délai de quinze jours après son dépôt auprès de la présidence de l'Assemblée.

Le vote de défiance à l'égard du Gouvernement est conditionné par l'approbation de la majorité absolue des membres de l'Assemblée, et la présentation d'un candidat de remplacement au chef du Gouvernement, dont la candidature est approuvée lors du même vote. Dans ce cas, le candidat de remplacement est chargé par le président de la République de former le Gouvernement, selon les modalités de l'article 89. Si cette majorité n'est pas atteinte, une motion de censure contre le Gouvernement ne peut être à nouveau présentée avant six mois.

L'Assemblée des représentants du peuple peut retirer sa confiance à l'un des membres du Gouvernement, suite à une demande motivée à cet effet, présentée au président de l'Assemblée par un tiers des membres au moins, le vote de défiance a lieu à la majorité absolue.

 

Article 98.

La démission du chef du Gouvernement est considérée comme la démission du Gouvernement tout entier. La démission est présentée par écrit au président de la République qui en informe le président de l'Assemblée des représentants du peuple.

Le chef du Gouvernement peut solliciter de l'Assemblée des représentants du peuple un vote de confiance quant à la poursuite par le Gouvernement de ses activités, le vote se faisant à la majorité absolue des membres de l'Assemblée des représentants du peuple. Si l'Assemblée ne renouvelle pas la confiance accordée au Gouvernement, celui-ci est réputé démissionnaire.

Dans les deux cas, le président de la République charge la personnalité la plus apte de former un Gouvernement, conformément aux exigences de l'article 89.

 

Article 99.

Le président de la République peut demander à l'Assemblée des représentants du peuple de procéder à un vote de confiance au Gouvernement, au maximum 2 fois pendant le mandat présidentiel. Le vote se fait à la majorité absolue des membres de l'Assemblée des représentants du peuple. Si cette dernière ne renouvelle pas sa confiance au Gouvernement, il est réputé démissionnaire, et le président de la République se charge de désigner la personnalité la plus apte à former un gouvernement dans un délai de 30 jours, conformément aux alinéas 1, 5 et 6 de l'article 89.

En cas d'expiration du délai ou si l'Assemblée n'accorde pas sa confiance au nouveau gouvernement, le président de la République a le droit de dissoudre l'Assemblée et d'appeler à la tenue d'une élection législative anticipée dans un délai minimum de 45 jours et maximum de 90 jours.

En cas de vote de confiance au Gouvernement par deux fois, le président de la République est réputé démissionnaire.

 

Article 100.

En cas de vacance définitive du poste de chef de Gouvernement, pour quelque raison que ce soit, excepté les deux cas de la démission et de la défiance, le président de la République charge le candidat du parti ou de la coalition au pouvoir de former un Gouvernement dans un délai d'un mois. Si ce délai est dépassé sans que le Gouvernement ne soit formé, ou si le Gouvernement ne bénéficie pas du vote de confiance, le président de la République nomme la personnalité la plus apte pour former un Gouvernement, qui doit se présenter devant l'Assemblée des représentants du peuple afin d'en obtenir la confiance conformément aux dispositions de l'article 89.

Le Gouvernement sortant continue à gérer les affaires courantes sous la présidence d'un de ses membres choisi en Conseil des ministres et nommé par le président de la République jusqu'à l'entrée en fonction du nouveau Gouvernement.

 

Article 101.

Les conflits de compétence entre le président de la République et le chef du Gouvernement sont soumis à la Cour constitutionnelle, à la demande de la partie la plus diligente ; la Cour tranche le conflit dans un délai d'une semaine.

 

Titre V.- Du pouvoir judiciaire.

 

Article 102.

Le pouvoir judiciaire est indépendant et garantit l'instauration de la justice, la suprématie de la Constitution, la souveraineté de la loi et la protection des droits et des libertés.

Le magistrat est indépendant. Il n'est soumis dans l'exercice de ses fonctions qu'à l'autorité de la loi.

 

Article 103.

Le magistrat doit être compétent, il doit faire preuve de neutralité et d'intégrité ; il doit répondre de toute défaillance dans l'accomplissement de ses fonctions.

 

Article 104.

Le magistrat bénéficie d'une immunité pénale ; il ne peut être poursuivi ou arrêté tant qu'elle n'a pas été levée. En cas de flagrant délit, il peut être arrêté et le Conseil de la magistrature dont il relève décide de la suite à donner à la demande de levée de l'immunité.

 

Article 105.

La profession d'avocat est libre et indépendante ; elle participe à l'instauration de la justice et à la défense des droits et des libertés.

L'avocat bénéficie des garanties légales le protégeant et lui permettant d'exercer ses fonctions.

 

Section première.- Des juridictions judiciaire, administrative et financière.

 

Article 106.

Les magistrats sont nommés par décret présidentiel sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature.

Les hauts magistrats sont nommés par décret présidentiel après concertation avec le chef du Gouvernement et sur proposition exclusive du Conseil supérieur de la magistrature. La haute magistrature est déterminée par la loi.

 

Article 107.

Le magistrat ne peut être muté sans son accord. Il ne peut être révoqué ni suspendu de ses fonctions et ne peut subir de sanction disciplinaire que dans les cas et avec les garanties formulées par la loi, et par décision motivée du Conseil supérieur de la magistrature.

 

Article 108.

Toute personne a droit à un procès équitable dans un délai raisonnable. Les justiciables sont égaux devant la justice. Le droit d'ester en justice et le droit de la défense sont des droits garantis. La loi facilite l'accès à la justice et assure aux plus démunis l'aide judiciaire.

La loi garantit le double degré de juridiction.

Les audiences des tribunaux sont publiques, sauf si la loi prévoit le huis clos. L'énoncé du verdict n'a lieu que lors d'une audience publique.

 

Article 109.

Toute ingérence dans le fonctionnement de la justice est interdite.

 

Article 110.

Les catégories de tribunaux sont créées par la loi. La création de tribunaux d'exception est interdite, ainsi que l'édiction de procédures exceptionnelles de nature à porter atteinte aux principes d'un procès équitable.

Les tribunaux militaires sont des tribunaux compétents pour les infractions militaires. Leur compétence, leur structure, leur fonctionnement, leurs procédures et le statut de leurs magistrats sont déterminés par la loi.

 

Article 111.

Les décisions sont rendues au nom du peuple et exécutées au nom du président de la République. Leur inexécution ou l'entrave à leur exécution sans motif légal sont interdites.

 

Paragraphe 1.- Du Conseil supérieur de la magistrature.

 

Article 112.

Le Conseil supérieur de la magistrature est composé de quatre organes : le Conseil de la juridiction judiciaire, le Conseil de la juridiction administrative, le Conseil de la juridiction financière et l'assemblée plénière des trois conseils juridictionnels.

Chaque organe se compose pour deux tiers de magistrats en majorité élus et d'autres nommés ès qualités, et pour le tiers restant de non magistrats indépendants pris parmi les spécialistes ; la majorité des membres de ces organes doivent être élus. Les membres élus exercent leurs fonctions pour un seul mandat d'une durée de six années.

Le Conseil supérieur de la magistrature élit son président parmi ses membres ayant la qualité de magistrats du plus haut grade.

La compétence de chacun de ces quatre organes, sa composition, son organisation et sa procédure sont déterminées par la loi.

 

Article 113.

Le Conseil supérieur de la magistrature est doté de l'autonomie administrative et financière ; il assure en toute indépendance son fonctionnement et établit son projet de budget, qu'il discute devant la commission compétente de l'Assemblée des représentants du peuple.

 

Article 114.

Le Conseil supérieur de la magistrature veille au bon fonctionnement de la justice et au respect de son indépendance. L'assemblée générale des conseils juridictionnels propose les réformes et donne son avis sur les projets de lois relatifs au système juridictionnel, qui lui sont obligatoirement soumis ; les trois conseils juridictionnels sont compétents pour statuer sur les questions relatives à la carrière et à la discipline des magistrats.

Le Conseil supérieur de la magistrature prépare un rapport annuel qu'il transmet au président de l'Assemblée des représentants du peuple, au président de la République et au chef du Gouvernement, dans un délai ne pouvant pas dépasser le mois de juillet de chaque année. Ce rapport est ensuite publié.

L'Assemblée des représentants du peuple discute le rapport annuel à l'ouverture de l'année judiciaire au cours d'une séance plénière de discussion avec le Conseil supérieur de la magistrature.

 

Paragraphe 2.- De la juridiction judiciaire.

 

Article 115.

La juridiction judiciaire est composée d'une Cour de cassation, de tribunaux de second degré et de tribunaux de première instance.

Le ministère public fait partie de la juridiction judiciaire et bénéficie des garanties que lui assure la Constitution. Les juges du ministère public exercent leurs fonctions dans le cadre de la politique pénale de l'État conformément aux procédures fixées par la loi.

La Cour de cassation élabore un rapport annuel qu'elle soumet au président de la République, au président de l'Assemblée des représentants du peuple, au chef du Gouvernement et au président du Conseil supérieur de la magistrature. Ledit rapport est publié.

La loi fixe l'organisation de la juridiction judiciaire, ses compétences, les procédures suivies et le statut de ses magistrats.

 

Paragraphe 3.- De la juridiction administrative.

 

Article 116.

La juridiction administrative est composée du Tribunal administratif supérieur, de tribunaux administratifs d'appel et de tribunaux administratifs de première instance.

La juridiction administrative est compétente pour statuer sur l'excès de pouvoir de l'administration et sur tous les litiges administratifs. Elle exerce une fonction consultative conformément à la loi.

Le tribunal administratif supérieur établit un rapport général annuel qu'il transmet au au président de la République, au président de l'Assemblée des représentants du peuple, au chef du Gouvernement et au président du Conseil supérieur de la magistrature ; le rapport est ensuite publié. 

La loi fixe les règles d'organisation et de compétence de la justice administrative, ses procédures ainsi que le statut de ses magistrats.

 

Paragraphe 4.- De la juridiction financière.

 

Article 117.

La juridiction financière se compose de la Cour des comptes avec ses différentes instances.

La Cour des comptes contrôle la bonne gestion des deniers publics conformément aux principes de légalité, d'efficacité et de transparence. Elle statue en matière de comptes des comptables publics. Elle évalue les méthodes comptables et sanctionne les fautes y afférentes. Elle aide les pouvoirs législatif et exécutif à contrôler l'exécution des lois de finances et la clôture du budget.

La Cour établit un rapport général annuel qu'elle transmet au président de la République, au président de l'Assemblée des représentants du peuple, au chef du Gouvernement et au président du Conseil supérieur de la magistrature.

Ce rapport est ensuite publié. Si nécessaire, la Cour des comptes établit des rapports spécifiques qui peuvent être publiés.

La loi fixe les règles d'organisation, de compétence et de procédures relatives à la Cour des comptes, ainsi que le statut de ses magistrats.

 

Section 2.- De la Cour constitutionnelle.

 

Article 118.

La Cour constitutionnelle est une instance juridictionnelle indépendante composée de douze membres choisis parmi les personnes compétentes, ayant une expérience de vingt années au moins et dont les deux tiers sont spécialisées en droit.

Le président de la République, l'Assemblée des représentants du peuple et le Conseil supérieur de la magistrature nomment chacun, pour un mandat unique d'une durée de 9 ans, 4 membres dont les trois quarts doivent être spécialisés en droit.

Le renouvellement du mandat des membres de la Cour se fait par tiers tous les trois ans. Pour combler une vacance dans la composition de la Cour, il est procédé au remplacement suivant le même mode utilisé lors de sa formation, en tenant compte de l'organe qui propose la candidature et de la spécialité. 

Les membres de la Cour élisent un président et un vice-président parmi eux, spécialisés en droit.

 

Article 119.

Le cumul de la qualité de membre de la Cour constitutionnelle et de toute autre fonction ou mission est interdit.

 

Article 120.

La Cour constitutionnelle est exclusivement compétente pour contrôler la constitutionnalité :
– des projets de loi sur demande du président de la République, du chef du Gouvernement ou de trente membres de l'Assemblée des représentants du peuple. La Cour est saisie, à cet effet, dans un délai de 7 jours à compter de la date de l'adoption d'un projet de loi ou de la date de l'adoption d'un projet de loi amendé après renvoi par le président de la République ;
– des projets de loi constitutionnelle que lui soumet le président de l'Assemblée des représentants du peuple suivant les dispositions de l'article 144 ou dans le cadre du contrôle du respect des procédures de révision de la Constitution ;
– des traités que lui soumet le président de la République avant la signature du projet portant approbation de ces traités ;
– des lois que lui transmettent les tribunaux, dans le cadre de l'invocation d'une exception d'inconstitutionnalité à la demande de l'une des parties à un litige, dans les cas et selon les procédures définis par la loi ;
– du règlement intérieur de l'Assemblée des représentants du peuple que lui soumet le président de l'Assemblée.

La Cour constitutionnelle exerce les autres attributions qui lui sont reconnues en vertu de la Constitution.

 

Article 121.

Les décisions de la Cour constitutionnelle sont adoptées à la majorité absolue de ses membres, dans un délai de 45 jours à partir de la date du recours pour inconstitutionnalité.

La décision de la Cour énonce la constitutionnalité ou l'inconstitutionnalité des dispositions faisant l'objet du recours. La décision est motivée et s'impose à tous les pouvoirs ; elle est publiée au Journal officiel de la République tunisienne.

Si le délai mentionné au premier alinéa expire sans que la Cour rende sa décision, elle transmet impérativement et immédiatement le projet au président de la République.

 

Article 122.

Le projet de loi inconstitutionnel est renvoyé au président de la République qui le transmet à l'Assemblée des représentants du peuple pour une deuxième lecture, afin qu'il soit modifié conformément à la décision de la Cour constitutionnelle. Le président de la République renvoie le projet de loi, avant sa promulgation, devant la Cour constitutionnelle pour un nouvel examen de sa constitutionnalité.

Dans le cas de l'adoption du projet de loi par l'Assemblée, dans une version amendée après son renvoi, et si la Cour a déjà affirmé sa constitutionnalité ou l'a transmis au président de la République pour cause d'expiration des délais le concernant, il incombe, obligatoirement, au président de la République de le transmettre à la Cour avant promulgation.

 

Article 123.

Quand la Cour est saisie suite à une exception d'inconstitutionnalité, elle se limite à examiner les moyens invoqués, sur lesquels elle statue dans un délai de trois mois, renouvelable pour une même période une seule fois et sur la base d'une décision motivée de la Cour. 

Lorsque la Cour constitutionnelle prononce l'inconstitutionnalité d'une loi, l'application de ladite loi est suspendue, dans les limites de ce qui a été décidé par la Cour.

 

Article 124.

La loi détermine l'organisation de la Cour constitutionnelle, les procédures applicables devant elle, ainsi que les garanties dont bénéficient ses membres.

 

Titre VI.- Des autorités constitutionnelles indépendantes.

 

Article 125.

Les autorités constitutionnelles indépendantes oeuvrent au renforcement de la démocratie. Toutes les institutions de l'État se doivent de faciliter leur travail.

Elles sont dotées de la personnalité juridique et de l'autonomie financière et administrative.

Elles sont élues par l'Assemblée du peuple à laquelle elles présentent leur rapport annuel et devant laquelle elles sont responsables. Leur élection se fait à une majorité renforcée.

La loi fixe la composition de ces autorités, leur organisation, ainsi que les modalités de leur contrôle.

 

Section 1.- De la Commission électorale.

 

Article 126.

La commission électorale dénommée » Autorité supérieure indépendante de la commission électorale » est chargée de la gestion des élections et des référendums, de leur organisation et de leur contrôle dans leurs différentes phases. La Commission garantit la régularité, l'intégrité et la transparence du processus électoral et proclame les résultats.

La Commission est dotée du pouvoir réglementaire dans son domaine de compétence.

La Commission se compose de neuf membres indépendants, neutres, compétents et intègres qui effectuent leur mission pour un mandat unique de six ans, avec renouvellement du tiers de ses membres tous les deux ans.

 

Section 2.- De la Commission de la communication audiovisuelle

 

Article 127.

La Commission de la communication audiovisuelle est chargée de la régulation et du développement du secteur de la communication audiovisuelle. Elle veille à garantir la liberté d'expression et d'information, le droit d'accès à l'information et l'instauration d'un paysage médiatique pluraliste et intègre.

La Commission jouit d'un pouvoir réglementaire dans son domaine de compétence et est obligatoirement consultée pour les projets de lois relatifs à ce domaine.

La Commission se compose de neuf membres indépendants, neutres, compétents, expérimentés et intègres qui effectuent leur mission pour un mandat unique de six ans avec renouvellement du tiers de ses membres tous les deux ans.

 

Section 3.- De la Commission des droits de l'Homme.

 

Article 128.

La Commission des droits de l'Homme veille au respect et à la promotion des libertés et des droits de l'Homme et fait des propositions dans le sens du développement du système des droits de l'Homme.

Elle est obligatoirement consultée pour les projets de lois relatifs à son domaine de compétence.

La Commission enquête sur les cas de violation des droits de l'Homme en vue de les régler ou de les soumettre aux autorités compétentes. 

La Commission se compose de personnalités indépendantes, neutres, compétentes et intègres, qui exercent leurs fonctions pendant un seul mandat de six ans.

 

Section 4.- De la Commission du développement durable et des droits des générations futures.

 

Article 129.

La Commission du développement durable et des droits des générations futures est obligatoirement consultée pour les projets de lois relatifs aux questions commerciales, sociales et environnementales, ainsi que pour les plans de développement.

La Commission peut donner son avis pour les questions qui relèvent de son domaine de compétence.

La Commission est composée de membres compétents et intègres qui exercent leurs fonctions pendant un seul mandat de six ans.

 

Section 5.- De la Commission de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption.

 

Article 130.

La Commission de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption participe aux politiques de bonne gouvernance, d'interdiction et de lutte contre la corruption. Elle assure le suivi de la mise en oeuvre de ces politiques, la promotion de la culture de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption et consolide les principes de transparence, d'intégrité et de responsabilité.

La Commission est chargée d'identifier les cas de corruption dans les secteurs public et privé. Elle procède aux investigations et vérifications sur ces cas et les soumet aux autorités compétentes.

La Commission est impérativement consultée au sujet des projets de loi relatifs à son domaine de compétence. Elle peut donner son avis sur les textes réglementaires en rapport avec son domaine de compétence.

La Commission se compose de membres indépendants, neutres, compétents et intègres, qui exercent leurs fonctions pour un mandat unique de six ans, avec renouvellement du tiers de ses membres tous les deux ans.

 

Titre VII.- Des autorités locales.

 

Article 131.

L'administration locale est fondée sur la décentralisation.

La décentralisation est concrétisée par des collectivités locales comprenant des municipalités, des régions et des gouvernorats [wilayas], dont chaque catégorie couvre l'ensemble du territoire de la République conformément à une division fixée par la loi.

D'autres catégories spécifiques de collectivités locales peuvent être créées par loi.

 

Article 132.

Les collectivités locales jouissent de la personnalité juridique et de l'autonomie financière et administrative. Elles gèrent les affaires locales conformément au principe de la libre administration.

 

Article 133.

Les collectivités locales sont dirigées par des conseils élus.

Les conseils municipaux et régionaux sont élus au suffrage universel, libre, secret et direct, équitable et transparent.

Les conseils des gouvernorats sont élus par les membres des conseils municipaux et régionaux.

La loi électorale garantit la représentation de la jeunesse dans les conseils des collectivités locales.

 

Article 134.

Les collectivités locales ont des compétences propres, des compétences qu'elles exercent conjointement avec l'autorité centrale et des compétences qui leur sont transférées par elle.

Les compétences conjointes et les compétences transférées sont réparties sur la base du principe de subsidiarité.

Les collectivités locales disposent du pouvoir réglementaire dans le domaine de leurs compétences, leurs actes à caractère réglementaire sont publiés au journal officiel des collectivités locales.

 

Article 135.

Les collectivités locales disposent de ressources propres et de ressources qui leur sont transférées par l'autorité centrale, ces ressources doivent être en adéquation avec les prérogatives qui leur sont attribuées par la loi.

Toute création ou transfert de compétences de l'autorité centrale aux collectivités locales doit s'accompagner d'un transfert des ressources correspondantes.

Le régime financier des collectivités locales est fixé par la loi.

 

Article 136.

L'autorité centrale se charge de fournir des ressources complémentaires pour intervenir au profit des collectivités locales, en application du principe de solidarité et suivant les modalités de la régulation et de l'adéquation.

L'autorité centrale oeuvre à atteindre un équilibre entre les ressources et les charges locales.

Une partie des ressources qui proviennent de l'exploitation des richesses naturelles peut être allouée à l'amélioration du développement régional sur le plan national.

 

Article 137.

Les collectivités locales gèrent librement leurs ressources, dans le cadre du budget qui leur est alloué, selon les règles de la bonne gouvernance et sous le contrôle de la juridiction financière.

 

Article 138.

Les collectivités locales sont soumises à un contrôle a posteriori de la légalité de leurs actes.

 

Article 139.

Les collectivités locales adoptent les instruments de la démocratie participative et les principes de la gouvernance ouverte afin d'assurer la plus large participation des citoyens et de la société civile dans la préparation de projets de développement et d'aménagement du territoire et le suivi de leur exécution, et ce, conformément à la loi.

 

Article 140.

Les collectivités locales peuvent coopérer et créer des partenariats entre elles, en vue de réaliser des programmes ou accomplir des actions d'intérêt commun.

Les collectivités locales peuvent aussi établir des relations extérieures de partenariat et de coopération décentralisée.

La loi définit les règles de coopération et de partenariat.

 

Article 141.

Le Conseil supérieur des collectivités locales est une instance représentative des conseils des collectivités locales, dont le siège est en dehors de la capitale.

Le Conseil supérieur des collectivités locales examine les questions liées au développement et à l'équilibre entre les régions, et donne son avis sur les projets de lois relatifs à la planification, au budget et aux finances locales ; son président peut être invité à assister aux délibérations de l'Assemblée des représentants du peuple.

La composition et les attributions du Conseil supérieur des collectivités locales sont fixées par la loi.

 

Article 142.

La justice administrative statue sur tous les litiges en matière de conflits de compétence entre les collectivités locales ou entre l'autorité centrale et les collectivités locales.

 

Titre VIII.- De la révision de la Constitution.

 

Article 143.

L'initiative de la révision de la Constitution appartient au président de la République ainsi qu'au tiers des députés de l'Assemblée des représentants du peuple. L'initiative émanant du président de la République est examinée en priorité.

 

Article 144.

Toute proposition de révision de la Constitution est soumise par le président de l'Assemblée des représentants du peuple à la Cour constitutionnelle afin de vérifier qu'elle ne porte pas atteinte aux matières dont la révision est interdite par la Constitution.

L'Assemblée des représentants du peuple examine à son tour la proposition pour approbation du principe de révision, à la majorité absolue.

La révision se fait à la majorité des deux tiers des membres de l'Assemblée des représentants du peuple. Le président de la République peut, après l'accord des deux tiers des membres de l'Assemblée, soumettre la révision au référendum, l'adoption se fait dans ce cas à la majorité des votants.

 

Titre IX.- Des dispositions finales.

 

Article 145.

Le préambule fait partie intégrante de la présente Constitution.

 

Article 146.

Les dispositions de la présente Constitution sont comprises et interprétées comme un tout harmonieux.

 

Article 147.

Après l'adoption de la présente Constitution dans sa totalité, conformément aux dispositions de la loi constitutionnelle n° 6 de 2011, datée du 16 décembre 2011, portant organisation provisoire des pouvoirs publics, l'Assemblée nationale constituante se réunit en séance plénière extraordinaire durant laquelle la Constitution est promulguée par le président de la République, le président de l'Assemblée nationale constituante et le chef du Gouvernement.

Le président de l'Assemblée nationale constituante ordonne sa publication dans un numéro spécial du Journal officiel de la République tunisienne.

La Constitution entre en vigueur dès sa publication.

Le président de l'Assemblée nationale constituante annonce au préalable la date de publication.

 

Titre X.- Des dispositions transitoires.

 

Article 148.

1. Les dispositions des articles 5, 6, 8, 15 et 16 de la loi relative à l'organisation provisoire des pouvoirs publics restent en vigueur jusqu'à l'élection de l'Assemblée des représentants du peuple.

Les dispositions de l'article 4 de la loi relative à l'organisation provisoire des pouvoirs publics restent en vigueur jusqu'à l'élection de l'Assemblée des représentants du peuple. Cependant, à partir de l'entrée en vigueur de la Constitution, un projet de loi présenté par les députés n'est recevable que s'il porte sur le processus électoral, sur le système de la justice transitionnelle ou sur les autorités issues des lois adoptées par l'Assemblée nationale constituante.

Les dispositions des articles 7, 9 à 14 et 26 de la loi relative à l'organisation provisoire des pouvoirs publics restent en vigueur jusqu'à l'élection du président de la République selon les dispositions de l'article 74 et suivants de la présente Constitution.

Les articles 17 à 20 de la loi relative à l'organisation provisoire des pouvoirs publics restent en vigueur jusqu'à ce que l'Assemblée des représentants du peuple accorde sa confiance au premier Gouvernement.

L'Assemblée nationale constituante poursuit l'exercice de ses prérogatives législatives, électorales et de contrôle prévues par la loi constitutionnelle relative à l'organisation provisoire des pouvoirs publics ou par les lois en vigueur jusqu'à l'élection de l'Assemblée des représentants du peuple.

2. Les dispositions mentionnées ci-dessous entrent en vigueur comme suit :
– les dispositions du titre III relatif au pouvoir législatif, exceptés les articles 53, 54, 55 et la section 2 du titre IV relative au Gouvernement entrent en vigueur à compter du jour de la proclamation des résultats définitifs des premières élections législatives ;
– les dispositions de la section première du titre IV relative au président de la République, exceptés les articles 74 et 75, entrent en vigueur à compter du jour de la proclamation des résultats définitifs des premières élections présidentielles. Les articles 74 et 75 n'entrent en vigueur que concernant le président de la République qui sera élu au suffrage universel direct ;
– les dispositions de la section 1 du titre V consacrée aux juridictions judiciaires, administratives et financière, exceptés les articles 108 à 111, entrent en vigueur dès lors que le Conseil supérieur de la magistrature est institué ;
– les dispositions de la section 2 du titre V consacrée à la Cour constitutionnelle, excepté l'article 118, entrent en vigueur dès la nomination des membres de la Cour constitutionnelle ;
– les dispositions du titre VI consacré aux autorités constitutionnelles entrent en vigueur après l'élection de l'Assemblée des représentants du peuple ;
– les dispositions du titre VII consacré aux autorités locales entrent en vigueur au moment de l'entrée en vigueur des lois qui y sont mentionnées.

3. Les élections présidentielle et législatives sont organisées au plus tôt quatre mois après la mise en place de l'Autorité supérieure indépendante des élections. Dans tous les cas, les élections sont organisées avant la fin de l'année 2014.

4. Les parrainages se font lors de la première élection présidentielle directement par un nombre de membres de l'Assemblée nationale constituante, correspondant au nombre requis de membres de l'Assemblée des représentants du peuple ou par un nombre d'électeurs inscrits, conformément à la loi électorale.

5. Le Conseil supérieur de la magistrature est mis en place dans un délai maximal de six mois à compter de la date de la première élection législative. La Cour constitutionnelle est mise en place dans un délai maximal d'une année à compter de cette élection.

6. Les deux premiers renouvellements partiels de la Cour constitutionnelle, de l'Autorité des élections, de la Commission de la communication audiovisuelle et de la Commission de la bonne gouvernance et des droits des générations futures sont effectués par tirage au sort parmi les membres nommés initialement. Les présidents de ces commissions sont exemptés de ces tirages au sort.

7. L'Assemblée nationale constituante crée, en vertu d'une loi organique, durant les 3 mois suivant la promulgation de la Constitution, une instance provisoire chargée du contrôle de la constitutionnalité des projets de loi et elle se compose du :
– Premier président de la Cour de cassation, en tant que président,
– Premier président du Tribunal administratif, en tant que membre,
– Premier président de la Cour des comptes, en tant que membre,
– 3 membres parmi les experts en droit, nommés respectivement par le président de l'Assemblée nationale constituante, le président de la République et le chef du Gouvernement.

Les tribunaux ordinaires sont réputés incompétents pour contrôler la constitutionnalité des lois.

Les fonctions de cette instance provisoire prennent fin avec la mise en place de la Cour constitutionnelle.

8. L'instance provisoire de la justice judiciaire continue d'exercer ses fonctions jusqu'à la désignation du Conseil de la Justice judiciaire.

L'instance indépendante de la communication audio-visuelle continue d'exercer ses fonctions jusqu'à l'élection de la Commission de la communication audio-visuelle

9. L'État s'engage à appliquer le système de la justice transitionnelle dans l'ensemble de ses domaines et dans la période fixée par la législation qui y est relative. Dans ce contexte, il n'est pas permis d'invoquer la non-rétroactivité des lois ou une amnistie préexistante ou l'autorité de la chose jugée ou la prescription d'un crime ou d'une peine.

 

Article 149.

Le tribunal militaire continue d'exercer les prérogatives qui lui sont attribuées par les lois en vigueur jusqu'à leur amendement, conformément aux dispositions de l'article 110.

Allah est le garant du succès.

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